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Inégalité & Croissance


le bout du tunnerfacade immeublefacade immeubleC’est le genre d’info que l’on a du mal à vraiment appréhender : 1% des humains les plus fortunés possèdent la moitié de la richesse mondiale. Voilà de quoi nous laisser pantois, voire dubitatif. Comment est-ce possible ?

Outre les questions pratico-pratique (mais que diable font-ils de tout cet argent ?), restent des interrogations plus poussées : d’où vient se creusement des inégalités ? Quelles en sont les conséquences économiques et sociales et comment y remédier ?

Voici un article en guide d’introduction à un thème que nous développerons régulièrement dans ce blog. 

Une inégalité inégalée

Ils sont nombreux à tirer la sonnette d’alarme. Récemment Oxfam a publié un rapport avec des chiffres qui parlent d’eux-mêmes : l’Europe a vu sa population précaire augmenter de 7,5 millions d’individus en l’espace de 4 ans pour atteindre un chiffre total de 123 millions de personnes en grandes difficultés financières. Dans des pays comme la Grèce, Chypre ou même le Royaume-Uni cela représente une hausse de plus de 5%.

En France, l’état-providence a limité cette tendance. Thomas Piketty conseille tout de même de rester vigilant : « les plus grandes multinationales et les revenus les plus élevés paient parfois moins d’impôts que les PME ou la classe moyenne. De quoi menacer cet équilibre social qui dépend des politiques publiques. »

Dans la plupart des pays développés, les salaires stagnent depuis 20 ans, et ce alors même que la productivité ne cesse d’augmenter. On peut alors légitimement se demander à qui profitent ces gains ? La réponse est toute simple : aux actionnaires, c’est à dire à ceux qui possèdent déjà le capital. Et c’est ainsi que les richesses ne sont plus redistribuées, mais auto-alimentent les comptes bancaires des plus fortunés.

Le problème, ce n’est pas que les riches deviennent plus riches, mais que les pauvres deviennent plus pauvres. L’appauvrissement joue sur l’instruction mais aussi sur la mobilité sociale et professionnelle.

Le principe d’une démocratie, c’est la concurrence généralisée. Un individu y gagne sa place au mérite et rien n’est jamais joué d’avance. Selon ce principe donc, l’origine sociale ne doit pas entrer en compte, ou très peu. Le problème c’est qu’avec la crise et la hausse du chômage, chacun a tendance à vouloir se protéger et protéger sa famille. C’est notamment le cas des élites, qui profitent de leur position dominante pour protéger et renforcer leurs acquis. En faisant ainsi jouer leur influence pour protéger leurs intérêts, ils biaisent les décisions politiques qui deviennent inefficaces et participent au développement des inégalités. 

La croissance pénalisée

Joseph Stiglitz, Prix Nobel d’Economie, l’explique clairement : le problème des inégalités croissantes doit être résolu « pour des raisons morales et économiques ». Car, toujours selon l’économiste, « l’inégalité a contribué à provoquer la crise, la crise a exacerbé les inégalités pré-existantes et leur aggravation a plombé l’économie et rendu encore plus difficile une reprise robuste »

Thomas Piketty quant à lui juge qu’un degré d’inégalité trop extrême devient inutile pour la croissance, parfois même nocif. Et de citer l’exemple des dirigeants d’entreprise qui gagnent plusieurs millions d’euros par an : seraient-ils plus performants, permettraient-ils de créer davantage d’emplois s’ils ne gagnaient qu’un million?

D’après une étude de l’OCDE le creusement des inégalités aurait coûté plus de 10 points de croissance au Mexique et à la Nouvelle-Zélande, près de 9 points au Royaume-Uni, à la Finlande et à la Norvège, et de 6 à 7 points aux États-Unis, à l’Italie et à la Suède. En revanche, dans des pays comme La France, l’Espagne ou l’Irlande, le PIB par habitant a pu continuer à progresser grâce à une situation plus égalitaire avant la crise. 

Comment réduire les inégalités ?

L’éducation, souvent citée, n’est pour certains que l’arbre qui cache la forêt. Alors quelles sont les différentes pistes pour lutter contre le creusement des inégalités?  

Le revenu universel de base

Certains proposent d’instaurer un ratio sur le salaire des cadres en fonction de celui des techniciens ou des ouvriers. Cela permettrait de limiter la disparité des revenus. Dans quelques pays, la législation évolue déjà dans ce sens. En Suisse une loi adoptée par referendum limite désormais la rémunération des patrons de sociétés cotées ainsi que l’interdiction de parachutes dorés. D’autres poussent le principe encore plus loin en défendant l’idée d’un revenu universel de base. 

L’héritage et la notion de propriété

Autre piste : distribuer un héritage minimum. Financé en taxant davantage les gros héritages, il permettrait à chacun de partir avec un capital de départ. Cette proposition part du principe que les plus aisés partent avec une longueur d’avance trop importante. Posséder un capital de départ leur permet de se lancer plus facilement dans des projets qu’ils soient immobiliers ou professionnels. Augmenter l’impôt sur les grosses successions et garantir un héritage minimum permettrait de lisser un tant soit peu cette différence. 

Les syndicats

Il est surprenant de constater qu’alors que les inégalités n’ont jamais été aussi élevées, les syndicats eux n’ont jamais été aussi dépeuplés. Un paradoxe qui s’explique par le fait que les salariés ne se reconnaissent plus dans le fonctionnement et les revendications des syndicats actuels. Il faut un renouveau en la matière, ce qui permettra aux salariés de peser de tout leur poids dans la balance. En tout état de cause, les citoyens doivent se mobiliser, que ce soit par le biais d’un syndicat ou par une implication et un intérêt plus profond dans la gestion des finances publiques. 

La formation

Afin de lutter contre le chômage longue durée il est important de permettre à tout à chacun de se former tout au long de sa vie. Les technologies et les usages évoluent désormais tellement vite que même avec une bonne formation de base un salarié pourra vite être dépassé. En cas de chômage, son retour à l’emploi sera compliqué s’il n’est pas « à jour » sur les dernières évolutions de son métier.

D’autres pistes sont également évoquées, telle que le retour au plein emploi grâce à un plan à la New Deal. Une chose est sûre en tous cas, la théorie du ruissellement défendue par les économistes néolibéraux (théorie selon laquelle les avantages des plus fortunés se distilleraient vers le bas, a désormais du plomb dans l’aile.

Par Céline Beaufils 

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