Ne sommes-nous que la moitié de nous-même ? C’est une question bien légitime quand on prend conscience de toutes les améliorations que nous sommes susceptibles de subir dans les prochaines décennies. « Subir », le terme est provocateur mais sciemment choisi. Pourtant, que nous soyons pour ou contre cette évolution, là n’est pas la question. Le fait est que le transhusmanisme est bel et bien en train d’apparaître dans nos vies. Il s’agit maintenant surtout de réfléchir à quelle humanité nous voulons.
Avez-vous déjà entendu parler du « quantified-self » ? L’expression ne vous dit peut-être pas grand chose mais nous l’avons tous déjà expérimenté. C’est une nouvelle tendance qui consiste à mesurer et partager ses données personnelles. Quelques exemples ? Podomètres, thermomètres, tensiomètre, géolocalisateur… Tout cela réuni au sein de notre sacro-saint smartphone. Il existe pléthores d’applications qui nous promettent de nous aider à rester en forme que ce soit en nous encourageant à faire du sport ou en nous aidant à maigrir. A tel point que le Conseil National de l’Ordre des Médecins a alerté le gouvernement sur les fausses promesses et les faux espoirs que pouvaient susciter ces applications. Mais le fait est que désormais on gère son corps comme on gérerait un business, sur la base de chiffres, de graphes et de marges de progression…
Si un tel « flicage » de nos données personnelles est possible, c’est grâce aux objets connectés. Ils font florès. Tout et n’importe quoi peut être connecté : la fourchette, pour permettre de manger au bon rythme, le biberon, pour éviter que bébé n’avale de l’air, la couche, qui envoie un message sur le smartphone de papa et maman dès qu’elle doit être changée… Encore plus fort, encore plus loin, voici Vitastiq, le stylo connecté qui mesure nos apports alimentaires et nos éventuelles carences. A ce régime, nous n’aurons bientôt plus le droit de ne pas être parfaits.
Et pour nous aider à être encore plus que parfaits, le transhumanisme vient à la rescousse. Le mouvement prône l’amélioration des caractéristiques physiques et mentales des Hommes par la science et la technologie. C’est une manière de mettre fin à certains aspect de notre condition humaine, aspects jugés « indésirables » tels que le handicap, la douleur, la maladie, le vieillissement ou encore la mort. Utilisé pour réparer l’homme « abimé », le transhumanisme peut sauver des vies. Il s’agit des prothèses pour les personnes amputées, des pacemakers, des appareils auditifs… Ce sont des innovations qui permettent à l’homme de récupérer des capacités perdues. D’autres, en revanches, ont a cœur de l’améliorer. On parle là d’implants permettant d’augmenter la mémoire, de lentilles bioniques sur lesquelles nous lirions directement nos mails. De la science-fiction qui pourrait bien vite se retrouver dans nos salons.
Dans ce débat sur le transhumanisme et la vie connectée, il y a les arguments pour. Parce qu’effectivement dans certains cas, l’utilité de telles avancés est indéniable, pour la médecine et la recherche au sens plus général par exemple. A l’échelle de l’individu, cela peut également nous assurer une vie meilleure, avec moins de souffrance physique. Notre quotidien sera facilité et débarrassé de toute logistique : les frigos connectés feront les courses à notre place, les smartphones organiseront et optimiseront notre journée, nos rendez-vous, nos déplacements.
Mais le pendant de tout cela peut s’avérer assez effrayant. Notre dépendance vis à vis de la technologie sera monstrueuse. Elle l’est déjà, me direz-vous. Objection accordée, vous répondrai-je. Le problème, ou plutôt le défi, est ailleurs. Nos données, de plus en plus nombreuses, viennent enrichir le big-data. Nous sommes tous étudiés, classés, répertoriés… Aujourd’hui les GAFA n’en tirent qu’un profit marketing avec des publicités ciblées. Mais demain avec une IA développée et cette colossale quantité de données à étudier, les GAFA pensent développer des algorithmes prédictifs, c’est à dire prédire l’avenir, les maladies, la mort et même la vaincre. Qui profitera le plus de ces innovations ? Le particulier qui n’aura plus à se soucier d’un frigo vide ou les Google, Apple et autre Facebook qui auront sous la mains des quantités phénoménales d’informations sur nous ? Ces nouveaux besoins ne nous aliéneront-ils pas davantage encore aux compagnies déjà plus que leaders que leurs marchés ?
Et à nous reposer autant sur la technologie, ne risquons-nous pas de perdre certaines capacités ? Serons-nous encore capables de nous orienter et de nous repérer dans l’espace après des années passées les yeux rivés sur notre GPS ? « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme », disait Rabelais. Alors finissons sur une toute dernière question: a-t-on vraiment besoin de savoir combien de pas nous faisons chaque jour ?
Par Céline Beaufils
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