Vu de près, l’économie collaborative voit le jour dans un contexte qui lui est totalement contradictoire. Les grands acteurs, ces fameux GAFAM, exercent une surveillance permanente sur la toile, disposent, utilisent et tirent profit de toutes nos données. En parallèle, les frontières entre vie privée et vie pro deviennent de plus en plus floue, un smartphone suffisant désormais à transformer n’importe quel lieu de villégiature en bureau. Certaines plateformes peer to peer, qui se revendiquent pourtant collaboratives, exacerbent et exploitent les inégalités sociales, comme nous l’expliquions récemment pour la plateforme d’Amazon Mechanical Turk. Bref, il y a de quoi se sentir pris au piège plutôt que libéré.
Les plateformes de mise en relation entre clients et indépendants sont en train de façonner la ré-organisation du travail. C’est grâce à elles que le nombre de freelances a pu exploser. Pourtant, si elles permettent aux travailleurs de gagner en flexibilité et d’assouvir leur soif d’indépendance, elles offrent aussi aux entreprises une main d’œuvre non salariée et donc exempte de toute contrainte sociale. De là à parler de salariat déguisé, il n’y a parfois qu’un pas. En devenant un passage obligé vers le client, les plateformes prennent la main sur le marché du travail et risquent sur le long terme d’y exercer un contrôle total.
Finalement, nous créons là un modèle où seule la consommation est collaborative mais pas l’économie en tant que telle.