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Quand les lieux ré-inventent la ville

Le Darwin Ecosystème à Bordeaux, Les Grands Voisins à Paris, La Condition Publique à Roubaix… Ils sont maintenant toute une flopée, ces lieux d’un nouveau genre qui mélangent les populations et les usages. Hybrides, uniques et créatifs, ils apportent un souffle nouveau à nos villes et créent une dynamique dans le quartier où ils s’installent.
Ils viennent surtout répondre à un besoin de vivre et de construire la ville autrement. A l’heure de la société collaborative, l’urbanisme se fait maintenant en mode peer-to-peer, de citoyen à citoyen. Petit état des lieux non exhaustif… 

Fabriquer la ville autrement

Peut-être est-ce en réaction à la ville intelligente, pragmatique et productive que l’on nous promet d’ici quelques années… Toujours est-il que, de plus en plus, les citadins expriment un profond besoin de recréer des liens et de ré-humaniser les villes. Pour cela ils doivent se réapproprier l’espace urbain et construire la ville ensemble, à la manière d’une « colocation urbaine ». C’est ce que proposent Les Grands Voisins. Dans le 14ème arrondissement de Paris, ce lieu multiple et collaboratif a pris place dans un complexe hospitalier désaffecté qu’il a transformé en un « village dans la ville ». On y trouve des espaces de vie qui accueillent toute sorte d’activités culturelles, pédagogiques et festives : un café-restaurant, une mini auberge, une scène de spectacle, un petit terrain de foot, des potagers partagés, une ferme aquaponique… Une partie de l’espace sert aussi d’hébergement d’urgence pour les réfugiés. Ici toutes les populations se mélangent et partagent des moments ensemble, en toute simplicité.

Ces lieux d’un nouveau genre constituent ainsi une réponse à notre nouvelle façon de vivre, à la fois très mobile et en quête de plus de douceur dans nos rapports aux autres. Ils viennent ramener une certaine forme de poésie et de simplicité heureuse dans nos villes devenues des temples de la consommation et de la productivité. 

Les Grands Voisins

  Innovants et fédérateurs, ces nouveaux espaces ont aussi vocation à redynamiser le quartier dans lequel ils se sont installés. En investissant les périphéries où l’immobilier reste plus accessible, ils redonnent vie à des zones oubliées de la ville. Le 6B en est l’exemple type. Dans l’ancien siège social d’Alstom à Saint Denis, le 6B est à la fois un coworking dédié aux métiers créatifs, un espace culturel accueillant de multiples expositions et un lieu festif bien connu de tous les parisiens. Son rayonnement sur l’Ile de France est tel qu’il a permis de désenclaver le secteur dans lequel il s’était installé. A l’origine complétement abandonné, il attise désormais toutes les convoitises. Le lieu devra d’ailleurs bientôt composer avec un nouveau voisinage : un éco quartier est actuellement en cours de construction. 

Le 6B

L’expérimentation du « vivre ensemble »

Ce qui lie tous ces lieux hybrides, c’est la fabrique de biens communs. Dans certains cas, ils viennent même palier au manque de financement des pouvoirs publics qui n’ont plus les moyens de grandes politiques d’urbanisme. Le bénéfice est multiple pour les localités qui y trouvent aussi une solution de sauvegarde de leur patrimoine. A Bordeaux, le Darwin Ecosystème est ainsi né d’une volonté de sauver les magnifiques magasins généraux d’une ancienne caserne.

Alors que l‘état providence n’a plus forcément les moyens de ses ambitions, ces nouveaux lieux viennent proposer des logements sociaux, des bureaux et des ateliers tout équipés à loyers modérés, des activités pédagogiques et sociales… A Lyon, La Commune ouvrira ses portes en janvier 2018. Installée dans une ancienne friche industrielle au cœur du 7ème arrondissement, elle hébergera une grande « food court » autour de la cuisine urbaine et accueillera en résidence des cuisiniers et des chefs qui souhaitent tester leur concept. Une sorte de lieu tremplin pour les entrepreneurs de la gastronomie donc. Le tout dans une grande cuisine commune et pour un loyer ultra attractif. Véritable éco-système dans la ville, le lieu accueillera régulièrement des conférences, des concerts et toute sorte d’évènements aussi bien en intérieur qu’en extérieur. 

Darwin Ecosystème

S’il fallait trouver un second point commun à tous ces espaces, c’est leur côté DIY et « sur-mesure ». Chaque lieu est monté en fonction d’opportunités autant que de besoins. Certains sont donc éphémères, profitant d’un bâtiment temporairement en vacance. C’est le cas des Grands Voisins qui devront libérer le site courant 2017. Le 6B quant à lui était à la base conçu comme un projet potentiellement éphémère mais qui, face à l’ampleur de son succès est appelé à rester. Le Darwin Ecosystème et la Friche la Belle de Mai à Marseille par exemple sont eux construits sur la durée. 

Une 3ème voie entre public et privé

Ces lieux multiples sont symptomatiques d’une nouvelle manière d’entreprendre. Désormais les freelances font légion mais ne restent pas seuls dans leur coin. Bien au contraire, ils travaillent en mode collaboratif. Les équipes se font et de se défont au gré des projets, d’où l’intérêt et le besoin de se réunir dans des lieux dynamiques propices aux rencontres informelles. Ces lieux sont d’ailleurs généralement ouverts à toutes propositions quant aux activités et événements qui peuvent s’y produire. Leur programmation évolue au gré des rencontres, des échanges et des envies. On y expérimente diverses formes de partenariats et d’échanges et les règles se construisent et s’imaginent au fur et à mesure.

Juridiquement, ces lieux se créent sous différentes formes. Il peut s’agir d’associations (le 6B) ou de projets entièrement publics (Friche La Belle de Mai). Dans d’autres cas ce sont des initiatives privées, comme pour La Commune. Les grandes entreprises s’engouffrent également dans la brèche, certaines par opportunisme d’autres par conviction. La Maif, qui finance de nombreux projets dans l’économie collaborative a ainsi récemment ouvert le Maif Social Club en plein cœur du Marais à Paris. Hormis pour les sites publics et institutionnels, tous doivent faire face à un défi de taille : développer un modèle économique innovant et efficace. L’objectif de ces espaces étant de proposer des prestations peu chères pour être accessible à tous, tout l’enjeu du projet est de rester viable économiquement sans ou avec peu de subventions. C’est là que repose la clé non pas de leur succès mais de leur pérennité : allier la performance à l’intérêt commun.

Pour construire une ville inclusive et sociale, il faut avant tout créer des espaces de rencontres et de vivre-ensemble. C’est ce que ces lieux proposent. Chacun à leur manière, ils construisent la ville de demain pour que les citadins n’aient plus à la subir. Gageons que leur développement ne s’arrêtera pas aux zones urbaines. Dans nos campagnes, de tels lieux peuvent créer un dynamisme et des synergies qui revitaliseraient les territoires. D’autant plus que les bâtiments inoccupés n’y manquent pas. Avis aux amateurs !

Par Céline Beaufils 

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