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Décentraliser pour bien manger

En matière alimentaire nous avons fini par marcher sur la tête. Nous produisons beaucoup, nous produisons même trop puisqu’un tiers de la nourriture atterrit directement à la poubelle. En parallèle la qualité de nos aliments ne cesse de diminuer, à tel point que pour égaler la richesse nutritive d’une pomme de 1950, il faudrait manger 100 pommes de 2016. Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? La réponse tient en un mot: la centralisation. 

La fin de l’ère agropologique

Ces dernières décennies ont marqué l’âge d’or de l’industrie agro-alimentaire. Avec des fusions acquisitions dans tous les sens, le secteur s’est totalement concentré pour ne retenir que quelques grosses firmes internationales qui règnent sans partage sur nos champs et nos assiettes.

Commençons par la fin de la chaine, la distribution. En France, 5 groupes contrôlent 75% du marché et 85% des petits commerces appartiennent ou sont affiliés à l’un de ses groupes. Ces 5 distributeurs ont donc toutes les cartes en main pour prendre le pouvoir sur les producteurs, soumis à une forte pression notamment sur les prix.

Pour rester compétitives, les exploitations doivent donc atteindre une taille critique, toujours plus importante. En 40 ans en France, la surface agricole moyenne est passée de 21 à 55 hectares, entrainant une diminution drastique du nombre des exploitations (de 1,6 million à 490 000).

La monoculture (75% des espèces cultivées ont désormais disparu) est devenue la règle, entrainant avec elle affaiblissement des sols et utilisation massive d’engrais et de pesticides. Des engrais, des pesticides et des semences qui, au passage, sont produits par les mêmes entreprises. Le résultat? Des graines qui ne se reproduisent pas d’année en année et qui évidemment nécessitent engrais et pesticides pour se développer correctement.

Bref, nous, consommateurs, nous retrouvons complétement déconnectés, voir même exclus de ce système. Notre rôle se limite à acheter. Mais en ayant perdu conscience de toute cette chaine, nous n’avons plus ni respect, ni sens de la valeur de ces aliments qui s’accumulent dans nos frigos et au final aussi dans nos poubelles. N’allons pas pour autant pleurer sur notre triste sort, car, hauts les cœurs, une nouvelle révolution est en route! 

L'âge de l’agro-communautaire

Il y avait les Makers, ces bricoleurs de haut vol, il y a maintenant les Growers, des citadins qui ensemble dans des jardins partagés ou seuls sur leur balcon cultivent leur petit potager. Un signe des temps qui montre une préoccupation grandissante pour le « bien-manger ».

Myriam Bouré, cofondatrice d’Open Food Network parle d’une troisième révolution alimentaire. Toujours est-il qu’un peu partout émerge un nouveau système alimentaire basé cette fois sur des micro unités de production et une distribution en circuit court.

Fermes d’Avenir a pour ambition de développer 200 000 micro-fermes d’un hectare sur le territoire français. Loin de vouloir dresser un tableau des gentils contre les méchants, l’association accompagne aussi les grands exploitants qui souhaitent se lancer dans une transition vers un modèle de production plus raisonné.

Dans la mouvance de l’économie collaborative, une nouvelle organisation du système alimentaire se met petit à petit en place. Des agriculteurs proposent des trocs de graines, certains développent même une licence open source de semences, considérant qu’elles relèvent des communs et non du bien privé.

Des réseaux peer to peer voient également le jour, permettant de diffuser le savoir, de partager les plans de productions, d’échanger les informations sur la fabrication ou la réparation de matériel agricole. Que ce soit sur Internet ou même par sms pour les pays ne disposant pas d’un réseau suffisant, les paysans s’organisent et s’entraident.

Pour accompagner cette révolution, il faut évidemment de l’argent. Place donc au financement participatif avec des plateformes dédiées telle que Blue Bees qui a déjà permis de financer 66 projets agricoles ou Miimosa qui existe depuis 2014.

Les lignes bougent aussi au niveau de la distribution. AMAP, groupements d’achat, drives fermiers… Il est de plus en plus facile de s’approvisionner en direct du producteur au consommateur ou en limitant les intermédiaires. Désormais on connaît la personne qui a cultivé et récolté nos carottes ou nos navets. Et l’air de rien, au moment d’ouvrir notre frigo, on les regarde sous un autre angle, nos légumes !

Alors certes, nos anciennes habitudes sont encore bien ancrées et même si consommer local ne coûte pas forcément plus cher, cela prend certainement plus de temps. Mais faisons le calcul. Moins d’engrais et de pesticides, moins d’emballages, moins de transport contre plus de liens, plus de convivialité et plus de goût… On a tous à y gagner, non ?

Si le sujet vous intéresse, filez visionner l’intervention de Myriam Bouré au Sharing Lille, qui m’a bien inspirée pour cet article !

Par Céline Beaufils 

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