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Le revenu de base en 5 questions

Attention, sujet polémique! Utopique pour les uns, catastrophique pour les autres, l’idée d’un revenu de base s’invite de plus en plus souvent sur le devant de la scène. Et certains, toujours plus nombreux, y croient dur comme fer. Défendu par des économistes et des politiques de tous bords ainsi que par des citoyens partout dans le monde, le revenu universel est-il la solution aux bouleversements économiques et sociétaux que nous sommes en train de vivre? Essayons d’y voir un peu plus clair! 

Quel est le principe?

Le principe est simple, il consiste à verser une allocation à vie sans condition d’âge, de ressource et sans obligation de travailler. En gros donc, absolument tout le monde percevrait la même somme tous les mois pendant toute sa vie d’adulte. Le montant de cette allocation fait encore débat et varie entre 400€ pour certains et 850€ pour d’autres. Le but de cette allocation étant de permettre à chacun de subvenir à ses besoins vitaux. Bien, bien… Voilà qui vous laisse sceptique non? 

Sur quelle logique économique repose-t-il?

C’est la première question que l’on se pose. Parce que l’idée de distribuer de l’argent à tout le monde aussi facilement est franchement choquante quand on sait à quel point les caisses de l’état sont vides.

Mais essayons de sortir un peu du cadre et de penser « hors de la boite », comme diraient nos amis anglo-saxons. Aujourd’hui, un tas d’allocations et d’aides viennent soutenir les personnes en difficulté. Pour quelle efficacité ? Beaucoup sont considérées comme des trappes à l’inactivité n’incitant pas leurs bénéficiaires à retrouver un emploi.

En parallèle, nous pouvons considérer que les activités rémunérées ne sont pas les seules à créer de la richesse. Les femmes et hommes au foyer, les bénévoles du milieu associatif, les aidants aux personnes dépendantes sont autant d’actifs non rémunérés sur lesquels repose pourtant une bonne partie de la société.

Autre atout du revenu de base, il viendrait corriger les inégalités de plus en plus importantes dans nos sociétés en assurant à chacun un pécule minimum lui permettant de prendre plus d’initiatives et de risques dans sa carrière.
Soyons lucides 850€ mensuels ne suffisent pas pour vivre, mais ils nous permettraient de faire disparaître l’extrême pauvreté qui touche de plus en plus notre pays. Nous serions aussi plus libres dans le choix de notre travail (dont le salaire viendrait en complément) car nous en dépendrions moins. Quand on sait qu’en France 12,3% des salariés vivent dans la précarité, il y a de quoi se poser des questions sur notre système actuel. 

Pourquoi cette idée revient-elle au goût du jour?

La faute à la crise! Pas la crise en tant que telle, mais la crise en tant que signal d’un épuisement de notre modèle économique, d’une remise en question de notre modèle sociétal.

Il convient de s’attarder sur le principe philosophique du revenu de base. Il remet complétement en question notre vision de la notion de « travail ». Nous sacrifions (et le terme est choisi consciemment car nombreux sont ceux qui subissent plutôt que choisissent) une grande partie de notre temps à travailler. Le travail, en plus d’être une condition de survie, est aussi une valeur sociale fondamentale. Nous pensons tous devoir nous « réaliser » à travers notre emploi.

Mais à l’heure où le système libéral semble à bout de souffle, à l’heure où les robots menacent de plus en plus de nos emplois, il est bon de remettre en question cette suprématie du travail dans nos vies. Le travail est-il vraiment le propre de l’homme? Alors qu’on parle de plus en plus de « bullshit jobs », ces emplois qui n’ont d’autre sens que de nous faire gagner notre vie, on découvre les limites d’un modèle économique reposant sur la nécessité d’une croissance éternelle, alors même que nous devons composer avec des ressources limitées. Depuis les années 90, Jérémy Rifkin prédit la fin du travail et de plus en plus de voix se joignent à la sienne et implorent la société de s’y préparer. Le Revenu de Base fait clairement partie des pistes de réflexion. 

Comment le financer?

Les idées de financement ne manquent pas. Certains proposent de le financer par la taxe carbone sous la forme d’un chèque vert. D’autres encore parlent de supprimer tous les impôts et taxes et de les remplacer par une TVA beaucoup plus importante. Les avantages d’un tel système sont nombreux: plus forte compétitivité de nos entreprises (totalement libérées de l’impôt et des contraintes administratives qui en découlent), égalité de taxation pour tous les produits qu’ils viennent de France ou de Chine par exemple… Un problème majeur subsiste néanmoins: l’impossibilité de prévoir à l’avance le budget de l’état.

L’économiste Marc de Basquiat préconise lui de transformer l’impôt sur le revenu en « impôt universel de redistribution des revenus ». Dans ce cas, le RSA, la prime pour l’emploi et les exonérations de cotisations patronales disparaitraient au profit de ce revenu de base reversé à tous.

Autre possibilité: ne plus créer de la monnaie par le crédit bancaire, comme cela se fait actuellement, mais par la distribution du revenu de base. Pour l’instant, les banques créent l’argent qu’elles prêtent. Si l’on changeait la manière de créer la monnaie, elles ne pourraient utiliser que l’argent qui a été placé par les épargnants ou celui qui lui aura été prêté par la Banque centrale. Voilà qui permettrait en prime de contrôler la monnaie en circulation et d’empêcher les bulles spéculatives.

Le mouvement pour le revenu de base français présente 8 pistes envisageables, toutes prouvant que le système du revenu de base pourrait devenir viable. 

Le revenu de base a-t-il déjà été expérimenté ?

Oui, et  son efficacité a même été partiellement prouvée. Alors, après toutes ces explications théoriques, voici les faits. Au Brésil, au temps de sa présidence Lula avait instauré « La Bolsa Familia », ce revenu de base a aidé 12 millions de familles à sortir de la pauvreté.

En Namibie, ce sont tous les habitants d’un village qui se sont vu attribuer l’équivalent de 10€ mensuels pendant deux ans. Les résultats parlent d’eux-mêmes: de nombreuses activités commerciales et économiques ont vu le jour, le taux de scolarisation a atteint 90% tandis que la criminalité et l’alcoolisme ont drastiquement chuté. En bref, libérés de la lutte quotidienne pour leur survie, les habitants ont vu s’ouvrir de nouvelles perspectives et ont pu se lancer dans des projets à moyen et long termes. Le gouvernement namibien réfléchit donc à étendre cette mesure à l’ensemble du pays.

En Alaska, le revenu de base existe depuis plus de 30 ans. Il est financé par les revenus du pétrole. Et l’expérience a montré que 95% des bénéficiaires avaient conservé un travail rémunéré ou s’étaient consacré à des activités utiles à la société. Plus près de chez nous, à Utrecht aux Pays-Bas, la municipalité teste ce système sur plusieurs centaines de familles. En Finlande, on envisage également de verser 1.000€ par habitants à partir de 2017.

Et en France ? Un sondage de l’Ifop a révélé en mai dernier que 60% des français y seraient favorables. A suivre, donc !

Par Céline Beaufils 

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