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High tech vs Low tech

High tech vs low tech : faut-il choisir un camp ?

Entre décroissance et smart city, entre DIY et économie dématérialisée, entre environnement et numérique, entre sérendipité et sécurité… Les visions de la ville désirable et, par extension, de la vie idéale, s’opposent plus qu’elles ne se challengent. Deux avenirs possibles, presque dichotomiques, se dessinent pour le citadin de demain : la smart city, optimisée et sécurisée versus la slow city, rebelle et poétique.
La question devient philosophique : quelle vi(ll)e souhaitons-nous construire ? Entre ces deux options doit-on forcément choisir son camp ? Une troisième voie est-elle envisageable ? Et si, pour construire le meilleur des mondes, nous prenions le meilleur de ces deux options ?

La ville high tech : le monde selon Google ?

Une smart city qui fait peur

Quand on parle smart city, beaucoup se représentent une ville froide et aseptisée, à l’image de Songdo en Corée, auto-proclamée 1ère smart-city du pays. En mode Big Brother, elle récolte à foison les datas de ses habitants. Énergivore, parfois gadget (on pense notamment à ces bancs connectés qui indiquent combien de personnes s’y sont assises dans la journée), elle effraie, elle questionne : si c’est la ville qui est intelligente, quelle place reste-t-il au citadin ?

La question se pose au regard de la journée type (et actuellement fictive) d’un futur habitant de Quayside, la ville (bientôt réelle pour le coup, mais expérimentale) développée par Google au Canada. Si elle ne sert pour l’instant que de laboratoire à taille réelle de la smart city, elle laisse entrevoir comment Google imagine notre futur. Un quotidien commandé par notre smartphone, qui nous commanderait des Google Cars en anticipant nos rendez-vous enregistrés dans notre agenda en ligne, qui achèterait automatiquement les aliments qui manquent dans notre frigo connecté, le tout payé avec notre Google Wallet…

Une caricature qui risque peut-être de devenir réalité. Certes. Mais faut-il pour autant jeter le bébé avec l’eau du bain ? Dans un monde où l’urbanisation est galopante, la smart city a aussi beaucoup à nous apporter.

Les vraies promesses du high tech : une ville fluide et raisonnée

D’après les projections statistiques, les grandes villes et métropoles de la France métropolitaine doivent se préparer à accueillir 11,5 millions de nouveaux habitants d’ici à 2050, dont environ 3 millions supplémentaires en région parisienne.

Derrière ces chiffres, l’un des enjeux de taille sera de lutter contre l’étalement urbain et donc de densifier les villes. À la clé, une complexité croissante dans la gestion des flux : mobilité, énergie, déchets…  Et sur ces points, la smart city nous sera d’une grande aide. Quelques exemples concrets :

  • Dans le domaine de l’énergie, le smart grid est une révolution. Il s’agit d’un système de distribution d’énergie électrique qui adapte automatiquement la production à la demande. Ce système fait appel à un réseau de capteurs et à des dispositifs de transmission et d’analyse informatique des données en temps qui agissent sur les modes de production et de consommation. On parvient ainsi à un résultat optimal en matière d’efficacité énergétique et de sécurisation.
  • L’entreprise Terradona a développé un système qui permet l’optimisation de la collecte des déchets grâce à des conteneurs connectés qui informent en temps réel de leur taux de remplissage : plus de camions poubelles qui encombrent les rues alors qu’ils ne sont qu’à moitié chargés et à l’inverse, plus de conteneurs qui débordent. Par ailleurs, l’entreprise a conçu sa solution pour qu’elle incite au tri des déchets. Un système de récompense au tri sous forme de bons d’achats dans des commerces locaux a été mis en place via un dispositif intelligent intégré au point de collecte).
  • Des solutions comme Fluicity permettent d’ouvrir la gouvernance au citoyen : budget participatif, politiques d’open data… autant de démarches d’une ville « high tech » dans laquelle les habitants sont en capacité d’interagir avec leur cité.
  • En termes de mobilité, l’approche MaaS (Mobility as a Service) permet au voyageur de définir des trajets optimisés selon ses préférences, combinant plusieurs modes de transports, et ce via une interface unique.

Par la dématérialisation qu’elle engendre, la smart city nous permettra de passer d’une logique de possession à une logique de services. Et ces derniers se multiplieront pour faciliter notre quotidien.  Mais attention à ne pas trop dépendre du « tout numérique ». Pour des raisons de résilience mais aussi environnementales (le numérique représente déjà 10% de l’électricité mondiale, il utilise des ressources non renouvelables telles que métaux lourds, terres rares…), nous avons tout intérêt à savoir nous en passer là où il n’est pas nécessaire.

Une bonne dose de low tech pour un monde moins brut

Innover hors du numérique : la vraie disruption

La low tech se définit souvent par opposition au high tech : une alternative à base de technologies dites « à plus faible intensité ».  Mais cela va bien au-delà de l’invention à la Géo Trouvetou. Frugalité numérique, durabilité, économie circulaire, agriculture urbaine, collaboration… voilà les vrais fers de lance de la low-tech.

Entre changement climatique et effets de l’activité humaine, celles que l’on appelle désormais les « villes-mondes » sont de plus en plus poussées à entamer une transition vers plus de frugalité, de décentralisation et de sobriété. Pour répondre à ces défis, elle n’a d’autre choix que de se tourner vers son territoire, vers ses citoyens et vers la low-tech. La slow-city, en opposition à la smart city, se construit à base de circuit court, de permaculture urbaine, de transports doux, comme le vélo…

À l’heure où l’on porte aux nues l’audace, la créativité, la disruption… la surprise et l’innovation véritables résident peut-être dans ces low-techs qui, souvent à contre-courant du modèle dominant, nous ouvrent de nouveaux horizons.

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Pour une ville vivante et résiliente

S’il est évident que nous avons besoin du high tech pour optimiser les flux et désengorger les villes, la recette du bonheur urbain réside aussi dans la convivialité et la sérendipité. En levant le nez de nos écrans, un nouveau monde s’offre à nous.

C’est exactement ce que propose la société Voog qui a développé un ingénieux Gouvernail permettant de nous orienter facilement en ville, sans utiliser Google Map, ni une quelconque autre application GPS. Libérés de notre smartphone, nous pouvons de nouveau marcher la tête haute en ville et redécouvrir ses rues, ses habitants, ses commerces…

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Dans un autre registre, on parle aussi beaucoup de débitumisation pour résister au changement climatique. Canicules, inondations… Face à cela, la ville de demain peut se passer de high tech, elle a juste besoin de retrouver la pleine terre. Ainsi, en Chine, des « villes éponges » transforment leurs terre-pleins centraux en jardins pluviaux. Inspirée du biomimétisme, cette technique permet aussi au sol urbain de stocker de l’eau et de mieux résister aux vagues de chaleur.

Une ville low-tech est une ville fabricante. Elle ramène la production en ville et permet une nouvelle forme d’empowerment : le citadin quitte son rôle de simple consommateur et devient acteur, producteur. Il ne dépend plus ni du numérique ni de la périphérie ou de la ruralité pour se nourrir ou se fournir en marchandises. Dans les fablabs, les repair cafés, il réapprend à se débrouiller par lui-même.

Parce qu’elle vise un impact environnemental aussi faible que possible, la low tech repose sur la réparation, le ré-emploi et le zéro déchet. Moins chère à développer que le high tech, elle est donc plus accessible, plus juste et permet de construire une ville plus inclusive.

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Combiner high et low pour gagner sur tous les tableaux

Comme souvent, ce n’est pas dans l’excès ni dans un sens ni dans l’autre que se trouve la panacée. Car le danger serait de se retrouver dans une société à deux vitesses : les « tout numérique » contre les « DIY ».

Si la smart city est nécessaire pour accompagner la densification galopante de nos villes, elle ne doit pas non plus prendre toute la place au risque d’engendrer des villes sans âme et de reléguer les pro low tech hors de ses frontières, dans des ZAD ou des zones rurales. Pour éviter un tel clivage, pour que chaque ville soit inclusive, originale et surprenante, il faut savoir profiter du meilleur de ce que ces deux visions ont à nous offrir. Allier les deux formes d’intelligence, artificielle et humaine, sans que l’une ne desserve l’autre. C’est là, la clé d’une ville désirable, à la fois humaine et organisée, à la fois vivante et rationnelle, à la fois résiliente et facilitatrice.

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